Nos camardes de la Sarthe ont écrit au Préfet dans le cadre de la consultation publique concernant un permis de recherche minière à cheval sur la Sarthe et la Mayenne.
Objet : contribution d’Europe Écologie – Les Verts à la consultation publique concernant la demande de permis exclusif de recherche de mines dit « Permis de Tennie »
Monsieur le préfet,
Vous avez souhaité organiser une consultation publique sur la demande de permis exclusif de recherche de mines dit « Permis de Tennie », sollicité par la Société VARISCAN MINES, et nous vous en remercions.
En effet, le droit en vigueur ne vous y obligeait pas, et la moblisation actuelle montre à quel point le débat public est nécessaire et combien les interrogations sont nombreuses.
Des interrogations qui portent, pour commencer, sur le calendrier dans lequel s’inscrit la demande de permis. En effet, lors du Conseil des ministres du 5 septembre dernier, la ministre en charge de l’Écologie a annoncé une mise en conformité du code minier avec l’ensemble de la Charte de l’environnement.
Or, si la consultation en cours marque votre souhait d’inscrire l’instruction de la demande du permis de recherche en cours dans l’esprit de cette réforme, en intégrant le principe de participation du public, il ne vous sera en aucun cas possible, compte tenu de la règlementation actuelle, d’apporter toutes les garanties nécessaires au respect de notre Constitution.
Ainsi, outre la question de la participation du public, c’est aussi le principe de prévention qui est mis à mal par le code minier tel qu’il s’applique aujourd’hui. Et le caractère sommaire du dossier du pétitionnaire soumis à consultation en est un illustration.
La question du morcellement des procédures (permis de recherche délivrés en déconnexion avec les conditions, voire même possibilité d’une future exploitation) est aussi symptomatique du dossier que vous avez à traiter. C’est un point qui avait été fortement dénoncé en ce qui concernait la demande de permis d’exploiter sur la montagne de Kaw en Guyane (dit “IamGold/Cambior”), projet qui, d’ailleurs, avait été enterré dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Ainsi, il nous parait sage d’attendre la réforme du code minier pour lancer ce type de projet, réforme qui ne saurait tarder. Cette décision permettra d’apporter les garanties nécessaires aux habitants des territoires concernés et au-delà, et d’assurer une certaine sécurité juridique au pétitionnaire.
Outre la nécessaire mise en attente du projet, certains éléments ne nous semblent pas clairs. Ainsi, tout le volet “eau” du dossier est très faible et les connaissances du pétitionnaire à cet égard ne permettent en aucun cas de montrer qu’il appréhende avec sérieux les impacts que peuvent avoir ses opérations de forage ou autre sur la ressource en eau.
Certes, la loi n’impose en aucun cas à ce stade d’approfondir ce sujet, mais la réforme minière fera le lien entre la loi sur l’eau et les recherches minières. Il importe donc que ces éléments soient clarifiés et approfondis avant tout octroi de permis.
Nous ne pouvons en effet ignorer la fragilité de nos milieux et l’importance de la qualité de l’eau tant au niveau sanitaire qu’environnemental.
D’autre part, ces dernières années, les aléas climatiques ont mis en exergue la précarité de notre situation au regard de l’eau. Nous ne pouvons en aucun cas nous permettre une pollution ou dégradation des milieux qui mettrait en difficulté les habitants des 17 communes concernées par la demande de permis de recherche ou encore les acteurs économiques du territoire que sont les agriculteurs.
Pour Europe Écologie – Les Verts, il est donc indispensable de demander au pétitionnaire d’approfondir l’état initial en ce qui concerne l’identification du réseau hydrographique et de s’assurer avant toute délivrance de permis que le périmètre visé est compatible avec les recherches escomptées.
De manière plus générale, le dossier présenté ne permet en aucun cas d’évaluer l’impact des opérations envisagées sur l’environnement. On peut ainsi lire qu’il est impossible de déterminer aujourd’hui le nombre des sondages miniers, leur position et la profondeur estimée de chacun d’eux, qui variera entre 100 et 500 m. Le pétitionnaire dit qu’ils totaliseront environ 18 000 mètres de sondage (4000 m de sondages carottés, 14 000 m de sondages destructifs).
Il est difficile de comprendre comment on peut à la fois être aussi précis et imprécis dans le descriptif des travaux conséquents au permis de recherche. Afin de pouvoir se forger un avis et d’évaluer les conséquences du permis demandé, l’administration devrait avoir une idée du nombre de forages envisagés, et a minima une fourchette relative à la densité minimale et maximale sur les différents secteurs, même si chacune de ces actions sera soumise à autorisation spécifique. L’impact de la globalité des travaux envisagés ne peut être la somme des travaux pris séparément.
A ce stade du dossier, il est indispensable que le pétitionnaire présente une projection des forages et autres opérations de prospection qu’il compte réaliser.
Par ailleurs, il semble étrange de demander un permis de recherche sans se poser la question de l’exploitation du site. En effet, le territoire concerné est constitué d’un bocage particulièrement préservé, dont l’intérêt écologique est reconnu au travers du classement en zone Natura 2000. On peut ainsi lire dans la note de présentation de la demande de permis :
« La principale zone de protection Natura 2000 empiétant sur le périmètre du PERM Tennie est le site FR5202003, « Bocage à Osmoderma eremita entre Sillé-le-Guillaume et la Grande-Charnie », dont la vulnérabilité consiste en l’arrachage de haie et débroussaillage de talus.
Le site FR5202007, « Bocage de Montsûrs à la forêt de Sillé-le- Guillaume », qui mord légèrement à l’Ouest de la zone du PERM possède la même vulnérabilité liée au morcellement du bocage. Le site FR5200650, « Forêt de Sillé », qui souffre de piétinement du sous-bois est quant à lui à proximité immédiate mais à l’extérieur du périmètre à l’étude. »
Peut-on envisager une exploitation minière sur un des rares habitats pour le pique-prune ? Quel intérêt de demander un permis de recherche sur un site aussi remarquable ? Certes, le pétitionnaire se veut rassurant en précisant que
« Ni travaux d’accès, ni sondages, ni tranchées ne toucheront aux haies existantes. Aucun travail de défrichage, ni abattage d’arbre pouvant abriter l’Osmoderma eremita ne sera réalisé ». Comment peut-il être aussi affirmatif sans savoir ce qu’il fera comme travaux et sans même avoir cartographié à l’aide de naturalistes connaissant le terrain, les zones à préserver ?
Il nous semble indispensable que le pétitionnaire se positionne sur la compatibilité du site avec une activité minière avant tout octroi d’un permis de recherche, et ce afin d’éviter de se retrouver dans quelques années dans une impasse avec des demandes de permis d’exploitations incompatibles avec la règlementation environnementale.
Enfin, comment ignorer le passif de ce territoire au regard de l’exploitation minière ? La commune de Rouez en Champagne a hérité d’un site pollué et plusieurs actions et demandes locales ont visé la remise en état des lieux. A ce jour, il est difficile d’envisager une exploitation minière avant d’avoir résolu la situation de Rouez en Champagne.
Les échanges lors de la réunion publique organisée par Rouez-Environnement le 8 novembre dernier ont montré l’inquiétude de la population au regard de ce qui est communément appelé le “sac poubelle” de Chantepie. La teneur en cyanure des résidus stockés dans des membranes dites hermétiques semble importante, mais les données “officielles” issues d’analyses indépendantes manquent.
Les analyses réalisées par Total ne sont effectuées qu’une fois par an et portent essentiellement sur les eaux de ruissellement (pH 9,5 selon dernières analyses) et les eaux des 2 bassins : pH 7,8. Ces données mériteraient des analyses complémentaires.
De plus, pourquoi Total ne finance-t-il aucune analyse du ruisseau de l’Echarbeau qui s’écoule en aval du site ? Pourtant, cette eau vient du site.
Ainsi, pour Europe Écologie Les Verts, une clarification sur l’existant est nécessaire avant le démarrage d’un nouveau projet. C’est une condition indispensable, ne serait-ce que par respect des habitants sur la zone concernée.
Europe Écologie Les Verts, vous l’aurez compris, n’est pas dans une opposition de principe à un projet minier. En effet, nos modes de vie reposent en partie sur l’activité minière, et on ne peut pas décemment « consommer » du minerai tout en refusant toute exploitation près de chez soi, et surtout en renvoyant cette activité vers des pays où elle est pratiquée dans des conditions sanitaires et environnementales catastrophiques.
Cependant, le dossier soumis à consultation est présenté dans un contexte général et local, tout en présentant des lacunes importantes, qui ne peuvent à notre sens que conduire à son rejet. Un nouveau dossier complété et clarifié devrait être après et seulement après la réforme du code minier pour éviter l’impression actuelle d’un passage en catimini pour « échapper » aux nouvelles dispositions qui ne manqueront pas d’être plus protectrices de l’intérêt général.
Veuillez agréer, Monsieur le préfet, l’expression de nos sincères salutations.